Deux semaines après avoir été assigné en justice pour avoir blessé une jeune femme en conduisant sous l’emprise de l’alcool, Joshua Lipton s’est rendu à une soirée d’halloween déguisé en prisonnier. Des photos de l’étudiant, hilare dans sa combinaison orange de détenu, ont été mises en ligne sur le site Internet de réseau social Facebook. Avant d’être récupérées par le procureur de son procès…

Jay Sullivan a alors convaincu le juge que Joshua n’était qu’un fêtard sans remords qui s’amusait alors même que sa victime était encore à l’hôpital. Le jeune homme a écopé de deux ans de prison.

Les sites Internet de réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace offraient déjà de nouvelles ressources aux enquêteurs et aux recruteurs désireux d’en apprendre plus sur leurs candidats. Désormais, c’est au tour des procureurs d’aller y puiser des arguments supplémentaires pour jeter le doute sur la personnalité de l’accusé ou demander un durcissement de la peine.

«Les sites de réseau social ne sont qu’une nouvelle façon pour les gens de dire ce qu’ils pensent ou de faire des choses qui reviendront ensuite les hanter», constate Phil Malone, spécialiste des questions de droit et d’Internet à la Faculté de droit de Harvard. «Les choses que les gens disent ou laissent en ligne sont assez pérennes».

Dans les faits, les procureurs ne passent pas leur temps à écumer ces sites. Mais, aiguillés par une personne extérieure ou convaincus de la culpabilité de l’accusé, il leur arrive d’y découvrir des preuves très parlantes, d’autant que nombre de photos sont aisément accessibles et référencées sous le vrai nom de la personne.

«Il n’est pas possible de le faire à chaque fois, mais parfois, ça s’avère pertinent», témoigne Darryl Perlin, procureur dans le comté de Santa Barbara, en Californie.

Lui-même pensait demander le sursis avec mise à l’épreuve pour Lara Buys, responsable du décès d’un passager de sa voiture dans un accident dû à la consommation d’alcool. Puis il a eu l’idée de consulter la page MySpace de la jeune femme où il découvrit des photos prises après l’accident mais avant le verdict, sur lesquelles Lara pose un verre à la main, plaisantant sur l’alcool. Le procureur a dès lors changé de stratégie et demandé de la prison ferme, photos en main pour appuyer ses propos. La jeune fille de 22 ans a été condamnée à une peine de deux ans.

«En attendant le verdict, on devrait se rendre aux (Alcooliques anonymes), suivre une thérapie ou un programme pour apprendre comment gérer le fait de boire et de conduire», estime le procureur. Mais «elle, elle ne faisait rien d’autre que s’amuser».

L’avocat Steve Balash se souvient pour sa part avoir demandé d’emblée à une jeune cliente responsable d’un accident mortel pour conduite en état d’ivresse si elle avait une page MySpace. Devant sa réponse affirmative, il lui a recommandé de la supprimer, craignant que certaines photos ne la montrent sous un mauvais jour. Mais Jessica Binkerd, jeune diplômée, ne l’a pas fait. Et quelques jours à peine avant le verdict en janvier 2007, l’avocat a vu apparaître des photos compromettantes dans un dossier du procureur.

La jeune femme n’y faisait rien d’illégal -sur l’une, elle tenait une bière à la main, sur une autre, elle portait un T-shirt vantant les mérites d’une marque de téquila- mais les documents lui portèrent tort. Le juge la condamna à plus de cinq ans de prison.

Dans le cas de Joshua Lipton, le juge Daniel Procaccini affirme que les photos tirées de Facebook l’ont influencé. «J’ai eu le sentiment que cela me montrait ce que ce jeune homme ressentait, peu de temps après un accident presque mortel, qu’il trouvait approprié de plaisanter et d’ironiser sur son éventuel séjour en prison».

L’avocat de l’accusé affirme à l’inverse que les photos «montrent un enfant qui ne savait pas quoi faire deux semaines après l’accident». Rappelant que l’adolescent a écrit des lettres d’excuses à la blessée et à sa famille et a été si traumatisé qu’il a abandonné ses études, Me Kevin Bristow affirme: «Il ne savait pas comment réagir».

L’avocat ne manque en tout cas pas d’évoquer souvent ce procès devant ses propres enfants, pour les mettre en garde contre ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas mettre en ligne. «Si cela apparaît sous votre nom, c’est à vous et il vaut mieux savoir que des gens recherchent ce genre de trucs».

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