Peut-on mitrailler de mails électroniques un parlementaire ? La question s’était posée durant les débats HADOPI où plusieurs initiatives, pétitions en ligne et mails automatisés avaient été mis en place, notamment par la Quadrature du Net.  Le gouvernement vient d’y répondre : c’est oui.

Durant DADVSI ou HADOPI, de nombreuses personnes sensibilisées aux problématiques soulevées craignaient que les députés et les sénateurs soient plus attirés par l’attitude moutonne que celle de l’exacte compréhension du texte. Il faut dire que certaines vidéos ne laissaient pas insensibles :

Une bataille de communication

Lors du colloque organisé par l’UMP, plusieurs parlementaires se plaignaient quant à eux de recevoir trop de mails anti-Hadopi.

Ainsi, cette députée : « je trouve le texte parfaitement équilibré, mais le débat sur ce texte va être un débat de communication. C’est celui qui va gagner la communication sur ce texte qui va l’emporter vis-à-vis de la population. On va nous accuser d’être liberticide, que de toute façon, on est la droite, on est liberticide. Il faut bien voir dans l’ensemble du lobby que l’on reçoit, nos collègues reçoivent énormément de courriers via internet qui nous enjoignent à ne pas entrer dans processus ! Il faut inverser la charge de la preuve : la liberté c’est le respect de la propriété intellectuelle, il faut rentrer dans ce langage inversé là, car les arguments techniques ne seront jamais relayés. »

La sénatrice Catherine Procaccia en voulait visiblement plus pour lutter contre ces assauts d’emails dans sa boite électronique. Dans une question parlementaire publiée fin novembre dernier, elle interrogeait le gouvernement sur le statut des adresses électroniques des élus pour la constitution de bases de données à prospecter. .

« Les messageries des parlementaires sont envahies de mails ayant pour corps de message un contenu strictement identique et non personnalisé, car certains sites Internet proposent aux internautes de signer des pétitions en ligne. Pour ce faire, il suffit aux internautes de remplir un formulaire et au choix soit d’envoyer le message type à tous les parlementaires ou alors de sélectionner une région ou un département et le message est automatiquement transmis aux parlementaires concernés.

De plus, certains sites précisent clairement que la base de données qui regroupe les coordonnées électroniques des parlementaires utilisée pour ce type d’envoi a été constituée via les sites des assemblées. L’existence des adresses électroniques sur ces sites institutionnels peut-elle être assimilée à un consentement préalable ou alors ces adresses sont-elles considérées comme étant d’un usage professionnel ? »

La sénatrice fait ici référence à un article du code des postes et communications électroniques qui interdit par principe l’utilisation de l’adresse électronique d’une personne physique si celle-ci n’a pas « exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen » (article L. 34-5). Une exception cependant quand dans le cadre d’un usage « professionnel », les données ont été recueillies loyalement.

Dès lors, est-ce qu’organiser des pétitions en ligne à déverser dans les boites emails des parlementaires est interdit et pénalement puni ? Quelle pourrait être la solution pour éviter de « paralyser » les boites parlementaires ?

Une réponse, deux baffes

Le gouvernement vient d’apporter une réponse officielle :

1) L’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques ne s’appliquer qu’à la prospection commerciale. Inapplicable ici.

2) La CNIL a depuis longtemps estimé (décision du début 2005) que « des personnes physiques peuvent être prospectées par courrier électronique à leur adresse électronique professionnelle […] sans leur consentement préalable », si le message leur est envoyé « au titre de la fonction qu’elles exercent dans l’organisme privé ou public qui leur a attribué cette adresse ».

Conclusion du gouvernement : « les adresses électroniques des parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat sont bien de nature professionnelle, et recevoir une pétition envoyée par un citoyen entre pleinement dans le cadre de la fonction d’un élu, même si cette pétition n’est pas personnalisée », avec une petite baffe en passant : « On peut également considérer que le parlementaire, en communiquant sa biographie et son adresse électronique pour qu’elles soient mises en ligne, a consenti à leur utilisation par les électeurs ».
Seule vague solution à l’encombrement des boites email des parlementaires : créer éventuellement sur les sites des deux assemblées « une fonctionnalité ad hoc reliée à une application spécifique qui dépouillerait les courriers électroniques et présenterait à l’élu un résultat global, car c’est le nombre de pétitionnaires qui importe ». Autre petite baffe : « en prenant ainsi l’initiative de développer la procédure de pétition, les assemblées donneraient un nouvel exemple de leur engagement en faveur de la participation des citoyens à la démocratie et au débat public ».

A vos claviers !

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