L’expression « Taxe Google » a fait mouche depuis la remise du rapport Zelnik. La faute à Jacques Toubon qui a utilisé ce terme hier au ministère de la Culture. Du coup, on ne compte plus les articles qui reprennent cette expression (un rapide coup d’œil). Or l’expression est bien incomplète, si ce n’est trompeuse.

Parler d’une taxe Google est juste faux, car bien loin de l’exacte réalité de ce qui se prépare. Rue de Valois : une taxe sur tous les revenus publicitaires du Net (sauf cas particulier).

Il suffit de lire le rapport pour s’en convaincre : « cette mesure pourrait à terme rapporter une dizaine de millions d’euros par an, acquittés principalement par les grandes sociétés opérant des services supports de publicité en ligne telles que Google, Microsoft, AOL, Yahoo! ou encore Facebook » (liste citée p. 18 et 57 du rapport).

Pas une seule entreprise française citée parmi les redevables

Fait intéressant, on remarquera que seules des entreprises américaines ont été citées ! Pas une seule entreprise française n’est mentionnée alors que la taxe sur les revenus pubs des « services en ligne » (une notion qui ne veut rien dire juridiquement) frappera tout le monde, partout. Priceminister, Dailymotion, n’importe quel site financé par la publicité sera visé. Plutôt que de taxe Google, mieux vaut donc parler d’une Taxe sur le Net pour bien mesurer tout le poids de l’expression.

Une usine à gaz de la surveillance

Autre souci, comme nous le mentionnons dans notre mini dossier, la taxe sur les revenus de la publicité ne concernera que les pubs vues par les Français. Or, cela génèrera quelques problèmes opérationnels. Concrètement, chaque site internet devra enregistrer les adresses IP des visiteurs, savoir quelles sont les pubs qu’ils ont vues sur l’ensemble de leur trajet sur tel ou tel site, puis faire de savant calcul : des campagnes sont rémunérées à l’affichage pour 1000, d’autres au coup par clics, sans oublier les liens ad sens… A-t-on réellement conscience de l’usine à gaz que cela implique ?

Les critiques des acteurs du Web 2.0 lors de leur audition

L’ASIC, association des acteurs du web 2.0 qui fut auditionnée par la mission Zelnik, l’avait clairement souligné : « alors que la publicité représente environ 20% des revenus des plates-formes de commerce électronique, celle-ci représente pour la très grande majorité des acteurs du web 2.0, de 90 à 100% des revenus (…)Faut-il rappeler que quasiment tous les modèles économiques du 2.0 ont besoin a minima de 4 à 5 ans pour enfin devenir bénéficiaires. Taxer des start-ups repoussera leur point d’équilibre financier de plusieurs mois voire de plusieurs années. »

Autres remarques passées aux oubliettes :

  • « Aucun autre pays industrialisé n’a jamais imaginé de taxer ses secteurs émergents pour créer ainsi une incitation au départ. De telles délocalisations signifieraient des pertes de compétences et d’opportunités de développement très lourdes pour la France, car de nombreux acteurs de petites tailles se développent autour d’eux et n’auraient pas, eux, les moyens de se délocaliser »
  • « Si une taxation des revenus publicitaires sur Internet était mise en place, le surcoût dû à la taxe serait essentiellement assumé par les petits annonceurs (PME / TPE), ces entreprises n’ayant pas de possibilité de délocaliser leur achat d’espaces de publicité sur Internet. Les plus grands annonceurs pourraient, quant à eux, effectuer leurs achats d’espaces publicitaires à l’étranger sans difficulté ».

Une surveillance généralisée

Mais au-delà de la faisabilité opérationnelle ou économique de cette aspiration des revenus de la pub en ligne, c’est surtout le problème de la vie privée qui se pose. Grâce à cette mission remise au ministère de la Culture, on va devoir faire un tracking complet de tous les faits et gestes des internautes. Une œuvre qui va satisfaire surtout les régies de pubs, très gourmandes de ces données-là. D’ailleurs, c’est très symptomatique : la CNIL n’a même pas été auditionnée par la mission.

CNIL Zelnik

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