

Hadopi : les journalistes du Monde se déconnectent du Monde.fr
Publié par Joris dans Liens divers, NewsQue Frédéric Mitterrand le veuille ou non, le texte Hadopi est encore en première ligne. Cela se passe du côté du Monde, apprend-on aujourd’hui chez Rue89. Cette fois, point de filtrage, riposte graduée et ou de locaux de 1107 m², il est question du statut du journaliste et du droit de la presse.
D’abord un rappel. Avant Hadopi, le journaliste était employé pour un titre (papier, ou web, etc.), avec des rémunérations propres. Outre un statut protégé, ce verrou contractuel permettait d’offrir au lectorat une certaine hétérogénéité des contenus publiés, plutôt qu’une certaine uniformisation. Avec Hadopi, tout change : les gros groupes de presse ont eu un cadeau en or grâce à Christan Kert, député UMP des Bouches du Rhône et un de ses fameux sous-amendements. Dans le texte, on peut en effet lire que :
« Art. L. 7111-5-1. – La collaboration entre une entreprise de presse et un journaliste professionnel porte sur l’ensemble des supports du titre de presse (….) sauf stipulation contraire dans le contrat de travail ou dans toute autre convention de collaboration ponctuelle. »
Presse unique, presse inique ?
Cela signifie ici que par défaut, sauf clause contraire, le groupe de presse a la possibilité de publier le contenu papier d’un journaliste sur tous les supports propriété du groupe. Une forme de presse unique, monocolore. Une presse qui coûte évidemment moins à l’employeur et qui ne rapporte rien à l’employé, lequel peut se voir en outre imposer de travailler indistinctement et sans rémunération complémentaire, sur la presse web, papier, TV etc.
La démarche était très tôt condamnée par le Syndicat National des journalistes. En avril 2009, il expliquait « en inscrivant dans la loi que le journaliste peut désormais être amené, du simple fait de son contrat, à travailler sur les différents supports d’un titre de presse, [ce texte] satisfait (…) la volonté des patrons de presse de faire des économies sur la main d’œuvre rédactionnelle ». Un « coup bas » alors qu’un accord global était en passe d’être trouvé pour ne pas malmener le statut des journalistes.
Aujourd’hui, les journalistes du Monde font l’apprentissage d’Hadopi en pleine phase de renégociation contractuelle. Pour faire pression sur la direction, ils ont décidé dès le 1er décembre à cesser d’alimenter LeMonde.fr en articles exclusifs pour le web, alors que dans le cadre des renégociations, souligne Rue89, Le Monde s’engageait à fournir 20 contenus multimédias originaux au site LeMonde.fr. Et le tout alors que l’équipe éditoriale a perdu plusieurs dizaines de journalistes et qu’un nouveau système de flux entre rédaction papier et web devrait être mis en place sous peu pour faciliter les diffusions, version Hadopi.
La liberté des entreprises
Durant les débats parlementaires, ces questions furent réglées en quelques brefs instants. La députée Martine Billard le déplorait dans le feu des débats et des « anéfés » : « [il] nous arrive abruptement un amendement du gouvernement de sept pages, censé être conforme à l’accord obtenu avec les représentants des journalistes et des entreprises de presse. Nous n’avons pas le temps de l’étudier et de procéder aux vérifications nécessaires. Nous arrivent ensuite onze sous-amendements, et nous n’avons pas non plus les moyens de vérifier en séance s’ils dénaturent ou non le texte ».
Christine Albanel, ministre de la Culture, saluait au contraire « une conception de la collaboration au niveau des groupes qui a sa logique ». La ministre admettait que « c’est un sujet complexe et sensible (mais) nous pensons qu’il revient à chaque entreprise de s’organiser en fonction de la périodicité et de la nature de ses publications. Notre souci est donc plutôt de préserver la liberté des entreprises ».