Sarkozy Trautmann Bono dessinC’est le bureau de Catherine Trautmann qui nous l’avouait, à la sortie du compromis autour de l’amendement 138, qui a finalement rejeté l’intervention du juge avant la coupure d’accès : « ce texte, qui du point de vue de la base juridique est « bétonné », ne permettrait en rien un recul sur le plan français (3e sous-paragraphe = clause de « non-retour » dans les États où le recours préalable au juge est une obligation constitutionnelle), et pourrait même être un complément fort utile dans le cas malencontreux où le Conseil constitutionnel ne censurait pas Hadopi II » (ce qui s’est passé). Mieux : avec le 138 modifié, il se pourrait même, selon le porte-parole de la parlementaire que « l’ordonnance pénale ne tienne pas par rapport au droit communautaire ».

Dans la presse, ces positions ont jeté quelques troubles et certains n’ont pas hésité à affirmer qu’avec le 138 « bis » retenu, c’était la fin de la riposte graduée à la française. C’est cependant faux.

L’amendement 138 modifié n’est en fait qu’un joli rappel de ce que nous avions déjà, à savoir les dispositions phares de la Convention européenne des droits de l’homme. Une simple, mais symbolique photocopie de l’autre texte fondateur qui s’applique dès aujourd’hui , par exemple à toutes les décisions ayant la couleur d’une sanction.

Pour briser un peu plus les doutes, l’Europe a tenu à mettre les choses au clair dans une foire aux questions.

Dans cette FAQ mise en ligne voilà peu, le Parlement Européen répond ainsi à la question suivante « Est-ce que [le fameux amendement] empêchera l’adoption de réglementations nationales telles que « trois infractions et vous êtes coupés »? ». La réponse est limpide : « Pas nécessairement, mais toute loi devra prévoir des procédures avant qu’une autorité nationale puisse couper l’accès à Internet d’une personne. Cela ne pourra se faire automatiquement et sans qu’on lui donne au préalable la possibilité d’exposer son cas. Les États membres seront libres, s’ils le souhaitent, de maintenir pour l’accès à Internet des garanties plus importantes que celles qui sont prévues par la législation de l’UE, c’est-à-dire qu’ils ne seront pas obligés d’édulcorer la législation existante qui octroie de telles garanties. »

Une autre réponse donne la liste des garanties auxquelles l’abonné aura droit avant le coup de ciseau de sanction : « Quand une autorité judiciaire ou l’autorité administrative compétente veut couper l’accès à Internet d’un utilisateur, une procédure spécifique devra être suivie. Avant de voir leur accès à Internet coupé, les utilisateurs devront avoir la possibilité d’exposer leur cas et de se défendre avant qu’une décision ne soit prise. Et un appel sera possible. » Une autorité administrative pourra donc couper l’accès, sans que l’Europe y trouve quelque chose à y redire.

Le texte du 138 dégradé prévoit pour l’heure que « ces mesures [de restrictions] ne peuvent être prises que dans le respect du principe de la présomption d’innocence et du droit à la vie privée. Une procédure préalable équitable et impartiale est garantie, y compris la droit de la personne – ou des personnes concernées – d’être entendu(es), sous réserve de prévoir des conditions et des modalités de procédure appropriées, en cas d’urgence dûment justifiée, en conformité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le droit à un contrôle juridictionnel efficace et rapide est garanti »

Tout ceci n’est, répétons-le, que le rappel de la convention européenne des droits de l’homme. L’envergure du 138 pur jus était nettement plus vaste puisque lui imposait le recours à un juge, un vrai avant toute sanction. Certains États membres qui ne sont pas encore armés d’une Hadopi, soit tous sauf la France, vont donc pouvoir installer sans risque un mécanisme de riposte graduée orchestrée par une seule autorité indépendante si leur Constitution le permet…

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