

Une étude de l’Union Européenne se penche sur la licence globale
Publié par Joris dans Les FAI, Liens divers, NewsLa Direction générale des politiques internes de l’Union Européenne a réalisé il y a peu une étude sur la licence globale nommée : Le « forfait sur le contenu » : une solution au partage illégal de fichiers ?. Il s’agit de la réponse à une demande de la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen afin d’être informée de manière claire sur la faisabilité mais aussi les conséquences d’une licence globale ou d’un système approchant. Du fait de la rareté de ce type d’étude, elle mérite toute notre attention.
« Toute discussion d’un système de forfait sur le contenu entraîne forcément des malentendus, et par conséquent des prises de position excessives, même si chacun reconnaît que la situation actuelle est inacceptable et qu’une certaine évolution du cadre en matière de droit d’auteur (y compris des mesures de contrôle du droit d’auteur) est nécessaire » expliquent en premier lieu les auteurs de cette étude.
Les propos utilisés sont intéressants à plus d’un titre. Le terme « inacceptable » pour décrire la situation actuelle montre toute l’importance de cette étude. Le caractère inacceptable peut d’ailleurs concerner autant le piratage de masse que les diverses lois allant à l’encontre des libertés des citoyens.

Continuer la lutte contre le téléchargement ou proposer une licence
Pour les auteurs de cette enquête approfondie, seuls deux scénarios sont en tout cas possibles :
- le statu quo (maintien de la situation actuelle et lois de lutte contre le piratage);
- le scénario du forfait sur le contenu, avec deux options:
- l’introduction d’un système de forfait sur le contenu général constituant un nouveau modèle commercial légal;
- un système de forfait sur le contenu limité.
Par « contenu général », les auteurs parlent ici de tous les contenus, sans réelle distinction. Il s’agirait donc d’une licence « vraiment » globale, où tous les contenus seraient intégrés. Or mettre en place un tel système comporte de nombreux défauts.
« Les auteurs de cette étude sont convaincus que proposer et encourager l’introduction d’un système de forfait sur le contenu général comporte un risque politique important. En effet, ce système pourrait déplacer un très grand nombre d’échanges passant par le marché, jusqu’au point d’empêcher l’émergence de nouveaux services passant par le marché – sans parler de l’énorme destruction de valeur. »
Une licence globale castrée mais tolérable pour les ayants droit ?
Reste donc alors le système de forfait sur un contenu limité. Quel est-il précisément ? Par exemple, il permet aux internautes de partager des œuvres musicales, télévisuelles ou cinématographiques au sein des réseaux P2P, d’une façon non commerciale, « de la même manière que la copie à usage privé de supports VHS était autorisée dans le cercle familial », donc pas avec tout le monde.
Mais les auteurs vont bien plus loin dans la description de cette licence globale un peu particulière :
- L’abonnement à l’offre de forfait sur le contenu sera vendu aux utilisateurs finaux particuliers par les prestataires de services Internet.
- Le partage doit être limité à un cercle privé «d’amis et de membres de la famille». Par exemple, la licence pour le droit de communication/de mise à disposition (sauf pour de très courts extraits) sera limitée à 50 amis (nombre suffisamment important mais toutefois limité), ce qui signifie qu’une offre P2P ou DDL autorisée ne pourrait être permise que dans le cadre de réseaux sociaux spécifiques.
- Les téléchargements en aval ne doivent être effectués qu’à partir de sites de stockage en ligne pleinement autorisés utilisant des sources légitimes. Aux fins de la bonne gestion du système, toutes les œuvres d’art doivent être balisées (ou identifiées officiellement d’une autre manière).
- Pour rendre le mécanisme plus pertinent, des «règles d’engagement» normalisées doivent être établies et communiquées pour chaque site. Cela devrait être fait par l’organisation de gestion collective des droits (CRMO), avec le soutien des titulaires. Ces règles devraient aussi être adoptées par la VoD, les plates-formes de SVoD et les services de télévision de rattrapage, qui donnent des conseils aux consommateurs à propos des options lorsqu’ils s’abonnent à l’offre de licence, en soulignant aussi les risques qu’impliquent les activités P2P non autorisées.
- Pour des raisons pratiques, la licence doit être forfaitaire, même si cela introduit une injustice entre les gros et les petits partageurs de contenus. Un prix quantitatif ne conviendrait pas et les prestataires de services Internet ne doivent pas être obligés de contrôler le contenu téléchargé en amont ou en aval.
- Les différences au niveau du comportement des consommateurs et des chaînes de valeur laissent penser qu’il faudrait envisager des systèmes de forfait sur le contenu différents pour les œuvres musicales et audiovisuelles. Cependant, vu la complexité des processus de gestion que cela implique, les risques de malentendus et la mauvaise foi de certaines catégories de parties prenantes et de consommateurs, un forfait sur le contenu limité unique couvrant la musique et l’audiovisuel est recommandé.
- Cette licence pour les copies destinées à l’usage privé sera payée par les consommateurs aux prestataires de services Internet sur une base volontaire et sera clairement identifiée dans les conditions commerciales proposées par les prestataires. Cela ne doit pas empêcher les prestataires de services Internet de mettre en place une politique universelle pour tous leurs consommateurs privés (vraisemblablement à un meilleur prix).
4,99 € par mois
Reste un point primordial, quid du tarif ? Si Martine Aubry a déjà avancé diverses sommes (1 ou 2 € par mois) pour un système d’échange, les auteurs de l’étude, eux, avancent celui de 4,99 € par mois pour commencer. Il faut en effet qu’il ne soit pas trop faible, sinon les auteurs et les producteurs ne s’y retrouveront pas, et en même temps, si le tarif est trop élevé, personne ne voudra y souscrire. 1 ou 2 € de plus pourraient être ajoutés en cas de dépassement des capacités autorisées (qui restent à préciser).
Les avantages de cette licence globale limitée sont multiples. Cela réduira fortement le « piratage », les internautes financeront les créateurs et non les sites et services proposant du contenu illégal, et bien sûr, les internautes n’auront pas à s’inquiéter d’Hadopi. Mais cette licence étant limitée, elle devra convaincre les internautes de son intérêt. Les plateformes légales devront notamment être de qualité, dans le cas contraire, l’illégal vaincra de façon certaine.
Enfin, les auteurs de l’étude ont réalisé des hypothèses de gains pour un forfait à 4,99 € et un taux d’adoption de 50 %.

CRMO : Collective Right Management Organisation ou en français, Organisation de gestion collective des droits.
Au final, le plus important reste de savoir si cette étude restera lettre morte ou si elle servira de support lors des futurs débats. Faudrait-il déjà que les principaux intéressés (producteurs, ayants droit et internautes) soient convaincus… Reste de plus à éclaircir certains points, notamment du côté de la chronologie des médias pour le cinéma.