Bonjour, bonjour, entrez, soyez les bienvenus sur GMB Legal Cuisine Channel, la seule chaîne du PAF qui a du chien (c’est l’histoire d’un chien, il traverse la rue, une voiture arrive et paf le chien), chien qui montre ses dents, dents qui sont blanches et larges comme des dominos, à l’instar de celles de notre invité, poil au nez. Car nous accueillons aujourd’hui sur GMB Legal Cuisine Channel le Docteur Mitteux et surtout sa version maléfique, Mister Rance. Docteur Mitteux est un très bon fabricant de potions, il y en a pour tous les goûts. Potion pour changer de couleur politique, potion thaïlandaise, il y a même des potions pour faire réagir la Marine.
Mais le Docteur Mitteux sait également cuisiner, et aujourd’hui, lui et son double, Mister Rance, viennent nous présenter la recette de son Hadopi Banane qu’il va servir à tous les internautes de France. Alors, le Hadopi banane, infâme brouet, dernier repas du condamné ou, insipide, inodore et inconséquente nourriture ? Nous nous prononcerons sur cette question, mais voyons d’abord, la recette:
Pour bien réussir un bon Hadopi banane, il nous faut:
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1er ingrédient: Des bananes. Mais attention, pas n’importe lesquelles. Il nous faut celles que l’on trouve dans l’expression, « va donc, hé banane », autant dire des idiots, des crétins, des imbéciles qui ne comprennent rien à rien. Et le Docteur Mitteux attire notre attention sur ce point, il nous faut les plus belles. Les bananes sont en effet soit minors, soit majors. Là, on veut des majors. Des majors bananes.
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2ème ingrédient: Une Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet). Une Hadopi c’est comme un poulpe d’amour à deux têtes (un collège et une commission de la protection des droits) et douze membres, dont des magistrats, des membres de la Cour des comptes et des « personnalités qualifiées ». Approchez, approchez, n’ayez pas peur, regardez, les membres sont dotés de petites ventouses et de petits crochets, vous voyez ? Ce sont bien évidemment les nombreux agents assermentés que la bestiole utilise pour capturer ses proies. Pour les fins connaisseurs, vous trouverez un détail de la bête aux articles L. 331-15 à L. 331-22 du Code de la propriété intellectuelle et L. 331-2 pour les agents assermentés.
On pense à utiliser le poulpe Hadopi depuis la loi du 12 juin 2009 (Hadopi I), mais Mister Rance nous prévient que c’est un ingrédient très lourd, très indigeste, au goût plein d’amertume, impossible à utiliser seul. L’expérience a été tenté de faire un plat rien qu’avec Hadopi, mais la Constitution de ceux qui y ont goûté ne l’a pas supporté. En revanche, on peut l’utiliser du moment qu’on l’assaisonne avec le troisième ingrédient, que nous détaillerons par la suite.
Mais restons un instant sur ce poulpe d’amour, car le Docteur Mitteux nous informe que c’est un ingrédient fondamental pour la recette :c‘est lui qui est chargé, en tant qu’autorité administrative indépendante, de recueillir les adresses ip des contrefacteurs présumés. Docteur Mitteux va donc maintenant nous expliquer comment bien utiliser Hadopi.
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De la bonne utilisation d’Hadopi: Faire un plat tellement délicieux qu’il pourrait nous faire changer de Régime ne nécessite pas que des ingrédients de premiers choix. Il faut encore savoir les utiliser à bon escient. Voilà les étapes à respecter.
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a) bien engraisser la bête: pour notre recette, le poulpe Hadopi doit être bien nourri, il adore les adresses ip, il faut donc lui en donner un maximum. Mais le poulpe est aveugle, il convient donc de le pointer vers des coins à adresses ip (sachant que les mails sont aujourd’hui exclus. Hadopi ne peut pas fouiller vos mails pour voir si ne circuleraient pas, par ce biais, des oeuvres de l’esprit). Pour l’aider à se repérer, les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les sociétés de perception et de répartition des droits, le Centre national de la cinématographie ou même le copain du poulpe, le Procureur de la Raie publique (L. 331-24 du Code de la propriété intellectuelle) vont intervenir. Les majors, la SACEM etc… vont donc regarder ce qui se passe dans les réseaux P2P, et s’ils tombent sur une adresse ip française liée à un téléchargement d’une œuvre de l’esprit dont ils ont les droits, ils préviennent le poulpe qui fouillera le coin avec ses agents assermentés qui auront pour mission de constater les faits susceptibles de constituer des infractions (L. 331-21-1 du Code de la propriété intellectuelle). (Après l’interdiction de fouiller les mails, c’est une autre victoire que de trouver dans la loi que les agents ne constatent pas des infractions, mais des faits susceptibles de constituer des infractions).
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b) Laisser le poulpe agir: Pour que notre recette soit réussie, on ne veut pas de poulpe d’élevage. Nous choisirons un poulpe sauvage, libre, qui s’ébat dans le milieu naturel où fourmillent les adresses ip, petits têtards qui gigotent dans les eaux troubles du P2P. Lorsque Hadopi en attrape un, elle a un choix (L. 331-25 du Code de la propriété intellectuelle). Elle peut lui envoyer une recommandation sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l’intermédiaire du FAI, lui rappelant que son comportement n’est pas joli-joli et qu’il risque gros. Là, elle relâche le têtard. Si ce dernier revient dans les mêmes eaux troubles dans les six mois de la première recommandation, et qu’elle l’attrape à nouveau, elle peut lui envoyer une seconde recommandation, et si elle choisit de le faire, dans ce cas elle doit lui envoyer par mail et en recommandé avec accusé de réception (cette nouvelle obligation d’envoyer une LRAR si Hadopi décide d’adresser une seconde recommandation est un des changements notables entre Hadopi I et Hadopi II. Dans Hadopi I, elle pouvait envoyer un LRAR en plus du mail. Dans Hadopi II, elle doit envoyer un LRAR, mais, à nouveau uniquement si elle décide d’envoyer une deuxième recommandation). En cas de troisième récidive, elle retient dans son estomac poulpien l’adresse ip. Mais comme vous le voyez, rien n’oblige Hadopi à envoyer des recommandations. Elle peut retenir l’adresse ip dans son estomac tout de suite.
Dans les deux cas, une fois digérées (et identifiées, puisque les FAI auront l’obligation de donner l’identité de l’internaute qui se cache derrière cette suite de chiffres, article L. 331-21 du Code de la propriété intellectuelle) , les adresses ip sont alors recrachées en une jolie bouillie qu’il conviendra d’assaisonner avec le troisième ingrédient.
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c) Faut-il nourrir le poulpe avec des avocats ? La question se pose et a été largement débattue. C’est que, voyez-vous, aux termes de l’article L. 331-21-1 du Code de la propriété intellectuelle, Hadopi peut convoquer, ou accepter d’entendre, les personnes concernées par l’infraction liée à l’adresse ip capturée. Et toute personne entendue à le droit de se faire assister d’un….conseil de son choix. Le choix du terme conseil, en lieu et place de celui d’avocat a fait hurler les guacamolistes de tout poil, mais c’est ainsi. Gageons que l’internaute ira chercher, en guise de conseil, plutôt un avocat que son copain de lycée kevin, mais les faits sont là: L’avocat ne fait pas obligatoirement partie de la recette du Hadopi Banane.
Passons maintenant au 3ème ingrédient. Mais d’abord, une page de publicité ! Ne zappez pas ! On se retrouve après ça !
Ding ding pouët pouët.