Une taxe mobile et Internet est à l’étude pour financer une télévision publique privée de recettes publicitaires.
Nicolas Sarkozy, Président de la République depuis mai dernier, a donné ce matin sa première grand conférence de presse. Le moins que l’on puisse dire c’est que concernant les nouvelles technologies et l’audiovisuel, il n’y est pas allé par quatre chemins. Il annonce directement qu’il va mettre en place « une rénovation sans précédent de l’audiovisuel public… Sans précédent ! »
Et il entre sans détour dans le vif du sujet : « Je propose que nous accomplissions en 2008 une véritable révolution culturelle dans le service public de la télévision. Le service public existe parce qu’il a une mission particulière. Si les chaînes publiques fonctionnent selon les mêmes critères, selon les mêmes exigences, selon la même logique que les chaînes privées, on ne voit pas très bien pourquoi il y aurait un service public. »
Sur le fond, on peut être d’accord avec cette exception du service public télévisuel mais on sent que cette phrase cache la partie immergée de l’iceberg. D’ailleurs, cet iceberg ne tarde pas à se montrer quand il aborde la vision qu’il a de la télévision publique et de la façon dont il espère la financer :
« Le service public, son exigence, son critère, c’est la qualité. Sa vocation, c’est offrir au plus grand nombre un accès à la culture, c’est favoriser la création française. Je ne veux pas dire que la télévision publique doit être élitiste ou ennuyeuse, mais seulement qu’elle ne peut pas fonctionner selon des critères purement mercantiles.
Je souhaite donc que le cahier des charges de la télévision publique soit revu profondément, et que l’on réflechisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques, qui pourraient être financées par une taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaînes privées et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d’affaire de nouveaux moyens de communication, comme l’accès à l’Internet ou la téléphonie mobile. »
Des petits fragments de cette voie avaient déjà émergé l’an passé avec la volonté d’étendre le champ de la redevance télévisuelle (voir news ici) ou d’octroyer des espaces publicitaires supplémentaires aux chaînes privées (lire article ici). Mais là, il ne prend plus de gants, la publicité disparaitrait purement et simplement des écrans de la télévision publique. Face à ce gigantesque manque à gagner, un système de taxes venant des recettes privées sera mis en place.
Voilà une belle punition pour les écrans du service public qui, avec cette intervention, sont clairement remis en cause dans leur capacité à attirer les spectateurs. Et les taxes sur les recettes privées d’autres chaînes ou d’Internet vont arriver pour sauver une télévision publique à laquelle personne n’aura pas donner les moyens d’avoir un modèle économique viable.
Evidemment, les chaînes publiques ne doivent pas fonctionner de façon strictement commerciale, mais il ne faut pas oublier les impératifs de production, les coûts, et surtout une capacité à s’autofinancer un minimum pour garder une certaine indépendance. Il est assez déroutant de voir une télévision publique financée par les recettes publicitaires de ses concurrents privés.
D’ailleurs, les milieux financiers ne s’y sont pas trompés puisque les valeurs des actions de TF1 et de M6 se sont envolées juste après cette annonce. En effet, avec des espaces publicitaires réduits à deux chaînes (pour ceux qui ne peuvent encore se « délecter » de la TNT), les annonceurs vont se bousculer pour avoir de la place et les tarifs vont augmenter de façon fulgurante. Et dans ce mode de fonctionnement, les chaînes publiques seront dépendantes des audiences des chaînes privées.Voilà qui remet en cause la capacité des télévisions publiques à trouver une équation entre mission de service public et rentabilité.
Et que dire de cette taxe sur l’accès à Internet ou la téléphonie mobile où tous les moyens de communication serviront à financer la disparition des écrans publicitaires de France Télévisions si ce n’est que ce prélèvement sur le chiffre d’affaires aura sûrement des répercussions sur les tarifs publics, aussi « infinitésimale » (sic) que soit la proportion de la taxe.
Nous avions déjà eu un avant-goût de cette politique l’an dernier mais l’objectif ne se cache plus. Pour le gouvernement, la politique culturelle est incapable de trouver un modèle économique viable par elle-même… Et aux décideurs de mettre en place une politique qui va accroître les recettes privées, nier la capacité de la culture à attirer les foules, et faire du service public un parent pauvre de la télévision.
Il conclut la partie allouée à ce projet par : « Voici une révolution qui, en changeant le modèle économique de la télévision publique, changera du tout au tout la donne de la politique culturelle dans la société de communication qui est la nôtre. » Une vision où deux minutes de publicité pendant la Star Academy suffiront à financer le budget annuel de France 4 ?