Droit
newsgroupsEn avril 2005, le Syndicat national de l’édition, dit SNE, la société Dargaud, la société Dargaud Lombard, la société Dupuis ou Lucky Comics et d’autres assignaient Free pour deux des newsgroups mis à la disposition des abonnés et dédiés à la BD (alt.binaries.bd.french, en binaire, et alt.binaries.bd.french.d, forum asynchrone). Free était accusé de jouer le rôle d’un éditeur dans la mise à disposition de ce contenu puisque la société « prend l’initiative de mettre celui-ci à la disposition du public ». Free se drapait sous son statut de fournisseur d’accès pour permettre à ses abonnés d’accéder au système de forums Usenet, et d’y poster ou télécharger des fichiers. Mais en aucun cas la société s’estimait hébergeur, ni même éditeur.

Free, fournisseur d’accès

Dans son jugement du 5 février, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que Usenet était un réseau de communication électronique sur lequel Free n’a qu’un rôle passif : ce n’est pas elle qui met en ligne les fichiers litigieux, ni elle qui effectue un contrôle ou une sélection. Free « ne fait que permettre à des internautes d’une part de poster des contributions binaires ou non et de les propager sur le système Usenet et d’autre part de prendre connaissance et de télécharger des fichiers binaires à partir de ce même système ». De fait, « la société Free n’est donc pas éditeur ». Mieux : « elle n’est pas l’organisateur du forum de discussion “alt.binaries.bd.french.d” ni le créateur et le gestionnaire du site de mise en ligne “alt.binaries.bd.french”. Il n’est pas établi qu’elle soit l’hébergeur de ce site ».

Pas d’obligation générale de surveillance

En application de la LCEN, cet intermédiaire n’est pas soumis à une obligation générale de surveillance ou de recherche proactive de faits illicites. Dans l’affaire, en plus de s’être trompé de qualificatif, les attaquants n’avaient au surplus pas utilisé les bonnes manières lorsqu’ils demandèrent directement à Free de « fournir toutes les données détenues ou conservées de nature à permettre l’identification de quiconque ayant contribué à la création du contenu des sites et groupes de discussion “alt.binaries.bd.french” et “alt.binaries.bd.french.d ». Ils auraient dû au contraire préciser « quels étaient les adresses des internautes qui mettaient en ligne des contenus contrefaisant les droits d’auteur des éditeurs de bandes dessinées (…) quels étaient leurs droits, les dispositions légales qui fondaient leurs droits de sorte que la société Free n’a pu agir pour retirer les contenus allégués de contrefaisants. »

Formalisme rigoureux

Un formalisme rigoureux qui n’a pas été suivi devant un juge des requêtes. Pire, « les prétentions des demandeurs reviennent en fait à demander la fermeture du canal “alt.binaries.bd.french” alors qu’il n’est pas démontré que seuls des contenus contrefaisants y circulent ». En somme : inutile de couper toute la branche si vous ne me démontrez pas que sa sève est pourrie. Une méthode d’analyse qui tend à se perdre aujourd’hui, tant la technique actuelle tient peu de cas de ces détails de bon sens.

« De plus, et alors que les contenus ne sont pas identifiés de sorte que le tribunal et la société Free ne savent pas quelles bandes dessinées exactement pouvaient se trouver sur le site de mise à disposition, et donc quel éditeur a vu les œuvres qu’ils commercialisent contrefaites, neuf sociétés d’édition réclament un préjudice qui n’est pas individualisé, démontré, et vérifiable et qui est pourtant réclamé de façon globale à hauteur de 236 216 € ».

Finalement, on vient d’apprendre aujourd’hui de source internet que la décision de février 2008 est finalement devenue définitive. Les éditeurs de BD avaient certes fait appel de leur échec devant le TGI de Paris, mais ils viennent d’abandonner le recours par désistement. Free est donc conforté dans sa position, du moins dans cette affaire-là.

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