Loi antipiratage : fin du premier round et loi de Godwin

Alors que le projet de loi Création et Internet arrive à l’Assemblée nationale le 4 mars, « 01net. » vous propose de suivre au fil de l’eau toute l’actualité de ce texte des plus controversés.

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Vendredi 13 mars

L’accès à Internet est-il un droit fondamental ? Voilà une question qui a rythmé les débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi (et à laquelle la ministre de la Culture répond non). Les discussions ont été suspendues hier, jeudi 12 mars, et reprendront le 31 mars. Les députés, qui ont juste eu le temps de rejeter la licence globale, doivent encore se pencher sur les mesures phares du projet de loi, comme la déconnexion des internautes.

Les échanges ont en tout cas été vifs au Palais-Bourbon. Christine Albanel a considéré que « la caricature affreuse qui consiste à présenter cette haute autorité [la Hadopi, NDLR] composée de magistrats comme une sorte d’antenne de la Gestapo est particulièrement ridicule ». Même si le mot « Gestapo » a été retiré par la ministre, certains députés PS ont fait part de leur mécontentement. « J’ai été bouleversé par vos propos, a expliqué Patrick Bloche (PS). A cause de la Gestapo, je n’ai jamais connu ma grand-mère maternelle. » Se retrouver, loin du débat initial, à s’envoyer des arguments extrêmes à la figure, on appelle cela, dans un forum Internet, la loi de Godwin…

En tout cas, tous les débats peuvent être revus en « vidéo à la demande » ici.

De son côté, le site du gouvernement Jaimelesartistes.fr, chargé de « vendre » le projet de loi, est HS en ce vendredi 13. Selon nos confrères de PC Inpact, la phrase de Christine Albanel, « Ils peuvent toujours attaquer, le site est superblindé », a eu un effet multiplicateur sur les attaques informatiques qu’il subit depuis des jours. Au point que son hébergeur a préféré jeter l’éponge… Point de loi de Godwin ici, mais plutôt celle de Murphy : si quelque chose peut mal tourner, alors cette chose finira infailliblement par mal tourner.

Jeudi 12 mars

L’examen du texte a bien commencé le 11 mars à l’Assemblée nationale. Pour les plus passionnés, les débats peuvent être suivis en direct et en vidéo sur le site de l’Assemblée.

Hier, la ministre de la Culture, Christine Albanel, a jugé « accablante » la situation actuelle en matière de piratage : « C’est à un véritable désastre économique et culturel que nous sommes en train d’assister. » Pour elle, le projet de loi est « ambitieux car il vise à ce que la France saisisse la chance inédite que représente Internet pour la culture ». Patrick Bloche (PS), fervent opposant au texte, pense que dans quelques mois le constat sera triste : « Les artistes n’auront pas touché 1 euro de plus, le contribuable aura financé cette gabegie et vous ou votre successeur n’oserez même pas faire le bilan d’une loi aussi inefficace qu’inutile. » Son collègue Christian Paul a, lui, qualifié le projet de « furieusement ringard ». Ambiance, ambiance, d’autant que le Parti socialiste a annoncé ce jeudi 12 mars qu’il allait saisir le Conseil constitutionnel.

Loin des reparties de l’Assemblée, la plate-forme de « musique libre » Jamendo (téléchargement gratuit de musique) propose, elle, le « remerciement gradué », en réponse à la riposte graduée. Outre un système de courriels de remerciement et d’envoi de « kits du complice », « chaque internaute ayant réussi à convaincre un lieu public (bar, restaurant…) de devenir un espace de culture libre avec Jamendo Pro sera remercié par le remboursement d’un mois de son abonnement à Internet ». Ou comment se rendre populaire à partir d’un concept qui ne l’est pas vraiment…

Création et Internet : l’opposition bataille

Le passage à l’examen des articles du projet de loi création et Internet, jeudi 12 mars à l’Assemblée nationale, a mis en évidence une certaine fébrilité du gouvernement, soucieux de ne pas voir son texte s’écarter des « accords de l’Elysée ». Or, non seulement, l’opposition dénonce inlassablement une « illusion sécuritaire », mais une partie de la majorité en conteste, par ailleurs, la pertinence. A plusieurs reprises, lors de la défense des amendements, les positions des députés de gauche présents dans l’Hémicycle, du Nouveau Centre (Jean Dionis du Séjour) et de certains élus de l’UMP (Patrice Martin-Lalande, Alain Suguenot, Lionel Tardy) ont convergé. A tel point qu’une présence plus soutenue du groupe socialiste en séance aurait peut-être pu faire basculer certains votes.

Pour l’heure, le gouvernement et la majorité s’en tirent sans dégâts mais, plus le débat avance, plus la tension monte, sous la pression des internautes, qui suivent assidûment les échanges retransmis en direct sur le site de l’Assemblée. Elle a franchi un cran, jeudi soir, quand la ministre de la culture, Christine Albanel, a accusé l’opposition, « sur tous les bancs », de dépeindre la Haute Autorité (Hadopi) créée par ce texte sous les traits d’« une antenne de la Gestapo ». « C’est une caricature insupportable », a-t-elle insisté, provoquant de vives réactions et des rappels au règlement. « Je retire ce mot », s’est excusée la ministre.

« USINE À DÉCISION »

L’incident est révélateur. Relayant d’autres interrogations similaires, M. Tardy (UMP, Haute-Savoie) avait auparavant mis en doute la possibilité pour l’Hadopi, chargée de mettre en oeuvre la « riposte graduée » au piratage des oeuvres, de respecter le principe du contradictoire. Le député juge « inapplicable » la procédure qui est censée s’appliquer, ce qu’il a qualifié d’« usine à décisions ». Mme Albanel s’est voulue rassurante ; elle n’a toutefois pas réussi à convaincre ses détracteurs.

Dans l’après-midi, le gouvernement et la majorité ont repoussé tous les amendements visant à légaliser et encadrer le téléchargement plutôt qu’à renforcer les dispositifs de sanction. Patrick Bloche (PS, Paris) a proposé de rouvrir le débat sur « une licence collective étendue » appelée « contribution créative ». « Ce dispositif permettra d’assurer une nouvelle rémunération pour les auteurs et les artistes », a-t-il défendu. Le rapporteur du texte, Franck Riester (UMP), l’a fermement repoussé : « La philosophie qui inspire ce projet, c’est de lutter mieux contre le téléchargement illégal pour créer les conditions d’un environnement sécurisé. » M. Suguenot (UMP, Côte-d’Or), qui proposait un financement de la création sur la diffusion de la publicité, n’a pas eu plus de succès. L’examen se poursuivra le 31 mars.

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